Skip to main content

La gestion des contrats d’assurance mérite une attention particulière en période de crise. Nicolas Lussier, expert en sinistre indépendant et directeur général de GPC Gatineau, travaille avec les compagnies d’assurances qui le mandatent pour enquêter et négocier lors de sinistres déclarés par les assurés. Il possède une connaissance pointue des contrats d’assurance, autant résidentiel que commercial.

Deux régimes d’assurances collectives existent sur le marché : le régime pleinement assuré à coûts fixes annuels et le régime auto-assuré. Louis-François Major, président du Groupe Major, administrateur et tiers parti payeur de régime d’assurances collectives, est un expert dans le domaine. ID Gatineau s’est entretenu avec ces deux spécialistes afin d’obtenir de leur part les meilleurs conseils possibles en cette période de pandémie.

ID : Les commerçants sont-ils couverts pour les pertes de revenus pendant la crise de la COVID-19?

Nicolas Luissier: De nombreux assurés du secteur commercial s’interrogent au sujet des pertes de revenus parce qu’ils ne peuvent plus travailler ou parce que les matières premières n’entrent pas. Dans le cas de la pandémie de la COVID-19, pratiquement personne n’est couvert pour la perte de revenus. Cette protection s’applique lors d’un dommage matériel qui empêche les opérations de l’entreprise pour une période donnée.

ID : Quel exemple concret pourriez-vous nous donner pour bien comprendre la situation?

Nicolas Luissier: Prenons l’exemple de la tornade qui est survenue dans le secteur Mont-Bleu à la fin de l’été 2018. Un dépanneur a été endommagé, le toit s’est envolé. Durant les six mois de la période des réparations, le propriétaire a eu droit à une indemnité en relation avec son avenant de perte de revenus. Un autre dépanneur situé 500 pieds plus loin, n’ayant pas été endommagé, a perdu sa clientèle pendant les quelques mois qui ont suivi cette catastrophe. Son chiffre d’affaires s’est retrouvé presque à zéro. Comme ce dernier n’avait pas subi de dommages matériels qui l’empêchaient de poursuivre ses activités, il n’a pas eu droit à une indemnité pour la perte de revenus. Il existe des assureurs qui offrent des produits paramétriques très onéreux qui s’adressent surtout aux très grandes entreprises afin de couvrir des choses très pointues comme la perte de revenus en temps de crise. En 20 ans de pratique, je n’ai toutefois jamais eu à travailler avec ça.

ID : Les assurances couvrent-elles certains frais nouveaux engendrés par les nouvelles pratiques d’affaires imposées par la COVID-19?

Nicolas Luissier: Quelques contrats ont des extensions de garantie rajoutées par les compagnies d’assurance, par exemple pour couvrir les frais additionnels engendrés par le télétravail. Cette pratique d’affaires occasionne des frais supplémentaires pour les entreprises, comme les frais Internet, l’achat de matériel, les équipements informatiques et les frais cellulaires. Ainsi, même s’il n’y a pas de dommage matériel au bâtiment, le confinement obligeant le télétravail peut être indemnisé. À ce jour, j’ai travaillé avec des extensions de garantie allant de 10 000 $ à 50 000 $.

ID : Est-il pertinent de conserver ses assurances collectives alors que l’accès aux soins dentaires et de santé est limité?

Louis-François Major: Oui parce que les régimes couvrent beaucoup plus que ces soins, comme l’assurance-vie et l’assurance-invalidité. Parfois, c’est même la seule couverture d’assurance-vie pour un employé. Il est vrai qu’une crise comme la COVID-19 réduit l’accès à certains soins. Pour les soins dentaires, ils seront reportés à plus tard. Pour d’autres soins, il y a maintenant la télémédecine qui se développe. Pour des spécialistes comme le chiropraticien, le physiothérapeute, l’acupuncteur et le naturopathe, c’est certain que les soins qui étaient en cours ne seront peut-être plus nécessaires.

ID : Existe-t-il une forme de compensation pour ces soins bien précis?

Louis-François Major: Au niveau de la santé, les assureurs ont constaté une baisse des réclamations et ils sont enclins à offrir des crédits de prime. Ainsi, tous les assureurs ont donné des crédits rétroactifs au 1er avril pour couvrir les mois d’avril et de mai pour l’instant. Des crédits qui vont jusqu’à 70% selon le type de soins. Cette période pourrait être prolongée selon l’évolution de la pandémie en cours. Si les entreprises l’apprennent en lisant ceci, il est très important de communiquer avec son assureur pour obtenir toutes les informations.

ID : Cette directive touche-t-elle tous les détenteurs d’une assurance collective?

Louis-François Major: En assurance collective, il y a deux réalités : le régime pleinement assuré, que nous avons traité dans les deux questions précédentes, et le régime auto-assuré. Un régime auto-assuré permet toujours de mieux contrôler ses coûts et c’est encore plus vrai en période de pandémie.  Ce type de régime permet de profiter d’escomptes dès le ralentissement des réclamations. La moitié de notre bloc d’affaires est en auto-assurance. Puisqu’il y a moins de réclamations, les réserves financières augmentent. La santé financière des régimes de nos clients ne s’en portera que mieux. L’entreprise peut offrir des congés de primes aux participants ou en profiter pour améliorer les régimes. Ainsi, au lieu de transférer certains risques à un assureur, c’est plutôt le régime qui les assume et qui se constitue une réserve financière avec une baisse du niveau des réclamations dans le cas présent.

Les pièges à éviter

Nicolas Luissier: Il faut arrêter de lire Facebook ou d’écouter des amis qui ne sont pas spécialistes dans le domaine de l’assurance pour vous comparer. Il y a beaucoup de variantes dans les couvertures d’assurance. Parfois, une mauvaise traduction de l’anglais au français modifie un élément en particulier.

Louis-François Major: Malgré la situation actuelle, l’entrepreneur doit prendre le temps de comprendre les avantages de son régime d’assurance collective et les impacts de potentielles coupures pour l’organisation et ses employés. Il faut aussi s’assurer que son courtier est proactif dans son dossier afin de proposer différentes solutions aux problématiques rencontrées par ses clients et s’assurera de comprendre vos réalités. Plusieurs assureurs offrent actuellement des mesures incitatives et il faut s’assurer d’avoir maximisé chaque avantage avant d’opter pour la solution radicale de terminer son régime d’assurance collective.

Les conseils de Nicolas Luissier

1- Profitez-en pour faire une restructuration d’affaires centrée autour de vos employés clés. Vous devez vous démarquer et rendre votre entreprise encore plus fonctionnelle lors de la reprise des activités. C’est le temps de tester de nouvelles méthodes de travail, comme le télétravail, et de réévaluer vos besoins pour vos baux de location. Il faut agir pour sortir de l’ordinaire.

2- Il faut faire affaire avec un vrai professionnel et ne jamais hésiter à téléphoner à votre assureur afin d’obtenir les bonnes réponses à vos questions. Il est parfois difficile de comprendre un contrat d’assurance et le pire qui peut survenir c’est de se faire dire que vous n’avez pas telle ou telle extension de garantie.

Les conseils de Louis-François Major

1- Il faut s’assurer de bien connaître la date de renouvellement de son régime, car, contrairement à la croyance populaire, tous les régimes ne renouvellent pas au 1er janvier. Si votre date de renouvellement se situe dans les prochains mois, prendre note que dans la situation actuelle, plusieurs assureurs offrent des reports de renouvellement avec un statu quo sur les primes payées. En fonction de l’historique de réclamations de votre groupe, cela peut être avantageux pour vous. Le cas échéant, il faut profiter de cette occasion et ne pas précipiter son renouvellement.

2- Comme la tarification en assurance collective est en grande partie une question d’équilibre entre primes versées et réclamations encourues, il est particulièrement important, en période de pandémie, de porter une attention particulière à l’utilisation du régime et de bien négocier ses contrats. 

Les ressources à votre disposition

Nicolas Luissier: Beaucoup de programmes d’aide gouvernementaux sont offerts depuis le début de la pandémie. Ils sont constamment en  changement. N’hésitez pas à faire appel à votre fiscaliste ou votre comptable afin d’en tirer avantage. Nous n’avons pas le luxe de nous passer de leurs conseils. Autant plus que leurs frais sont déductibles d’impôt!