Article écrit par l’École des entrepreneurs du Québec – Campus Outaouais
Les entrepreneurs ont un taux de faillite plus important en croissance qu’au démarrage, car plusieurs n’ont pas anticipé de quelle manière une croissance importante peut affecter les différents domaines de leur entreprise : perte de vue des coûts de revient, poursuite d’opportunités nouvelles sans ajustements organisationnels, mauvais choix de partenaires, etc. Il s’agit ici de causes de faillite qui illustrent la nécessité de faire évoluer la stratégie de l’entreprise en fonction de son positionnement sur la Roue de la croissancemd, outil développé par l’École des entrepreneurs du Québec.
Durant les Soirées Ratées, des entrepreneurs se confient et lèvent le voile sur leurs échecs. Ils nous offrent ainsi leurs visions très personnelles et leurs secrets pour rebondir. Au point de se demander si le terme « échec » est vraiment approprié…
Entretien avec les invités de la première et de la deuxième édition de cet événement organisé par l’École des entrepreneurs du Québec – Campus Outaouais.
Pierre Mantha, propriétaire de trois concessionnaires Hino dans la région de Gatineau/Ottawa, de Mantha Truck Leasing et Mantha Holding Group ainsi que de la distillerie Artist in Residence.
« Si t’as pas d’échec, c’est que tu n’essaies pas assez fort »
Pierre a commencé à travailler comme mécanicien de camions à l’âge de 12 ans, suivant le cheminement de son père. Puis, il a développé plusieurs affaires dans le secteur de l’automobile avec notamment des concessions.
Un de ses projets, ouvrir une concession de véhicules à Toronto, n’a jamais vu le jour. Il explique qu’il s’est lancé dans l’aventure avec une équipe expérimentée et pleine de bonnes volontés, qu’il avait une bonne vision, mais pas de planification.
Preuve pour lui que l’expérience ne remplace pas un bon plan et n’empêche pas de se planter. Pierre a beaucoup appris de ses échecs. Il ne travaille plus sans planifier la croissance de ses activités à court, moyen et long terme.
Il se concentre présentement sur l’implantation de nouveaux projets dans l’industrie des spiritueux. Entre autres celui d’Artist in Residence Distillerie, la maison de création de Waxwing Gin, Vodkalight, Mayhaven Liqueur et Kilinger Rye. Il travaille notamment sur un projet d’exportation de ses produits en Amérique du Sud ainsi qu’aux États-Unis.
Sylvain Bertrand, président de BBL Construction, comptable professionnel agréé (CPA), membre de l’Ordre des CPA du Québec, spécialisé en comptabilité de management, diplômé BCom de McGill et titulaire d’un MBA de l’Université d’Ottawa.
« En démarrage tu dis oui pour faire plaisir, en croissance tu dis non pour respecter ton modèle d’affaires »
Lors de la première Soirée Ratée en Outaouais, Sylvain s’est confié sur la faillite d’une de ses entreprises. Il témoigne : « Les diplômes ne protègent en rien l’entrepreneur dans ses erreurs et j’en suis la preuve. Par contre, j’ai su me reprendre. »
La croissance d’une entreprise présente son lot de défis. Il est essentiel de s’arrêter pour réfléchir dans de telles circonstances afin de ne pas perdre de vue le modèle d’affaires et bien connaitre son client. Par exemple, c’est facile de se laisser emporter par une vague de contrats ou d’opportunités et c’est là où réside le danger : « Tu prends une vague sans évaluer l’impact sur l’entreprise et sans que tu ne le vois venir, les coûts de production augmentent et ta rentabilité est mise à l’épreuve. En construction par exemple, si tu dois faire affaire avec des sous-traitants pour livrer, tu es souvent à la merci de ces choix : leur disponibilité, leur coût de service et leur qualité de travail. Rapidement, on peut faire face à une crise de croissance et c’est rarement de bonnes nouvelles. »
Aujourd’hui, BBL se porte bien parce que cet échec a été formateur. Il a démontré qu’il est important de bien comprendre son entreprise, le type de relation client que l’on veut, apprendre à dire non à certains clients et se donner à fond dans une relation gagnante avec d’autres clients. Il a appris qu’il faut toujours respecter la vision de l’entreprise.
Dominic Faucher, directeur de création et associé au sein d’Orkestra.
« Plantez-vous le plus vite possible ! »
Dominic est Directeur de création chez Orkestra, une agence de publicité marketing bien établie à Gatineau, et nouvellement installée à Montréal. L’équipe se spécialise notamment en publicité, production de contenus vidéo et en organisation d’évènements.
Orkestra est un cabinet ambitieux qu’à rejoint Dominic à l’âge de 25 ans. Ils ont connu de nombreuses difficultés financières au cours de leur croissance et cela les a poussés à se réinventer constamment, à développer des stratégies RH afin de donner envie aux jeunes talents de venir travailler avec eux et de rester quelques années, à revoir le cap en élargissant leur clientèle au-delà de l’Outaouais. Aujourd’hui, l’entreprise connait un véritable succès. Elle possède de nombreux partenaires et clients aux niveaux national et international.
Durant les moments difficiles, Dominic aurait souhaité avoir des outils pour l’aider à construire et à questionner sa vision stratégique. Le conseil qu’il aurait aimé recevoir est « Fail Fast ! », [en français, « Échouez rapidement »]. C’est pour lui la meilleure façon de développer sa résilience et d’accepter qu’importe le temps et l’argent investit, parfois il faut tout reprendre à zéro pour pouvoir avancer.
Alex Martel, fondateur du Rockfest de Montebello.
« Je n’ai pas été réaliste sur la croissance »
Fan de musique, Alex a monté le Rockfest à 17 ans dans son village de Montebello avant tout pour offrir une scène à son groupe de rock amateur. Ce rêve s’est réalisé dans un premier temps avec l’aide de sa famille et des gens du village qui compte environ 950 habitants.
Au fur et à mesure des éditions, le festival a pris de l’ampleur accueillant des groupes de la scène rock alternative du Québec jusqu’à des groupes de renommée internationale. Le nombre de festivaliers a également beaucoup augmenté avec près de 200 000 sur un weekend. Avec ce succès, Alex ne pouvait plus se produire avec son groupe. Il a également fallu chercher des partenaires pour financer la croissance du festival.
Dès lors, bien qu’il soit resté directeur artistique et porte-parole du festival, Alex Martel est devenu actionnaire minoritaire au conseil d’administration d’Outaouais Rock, la structure qui chapeautait le festival, et n’avait plus de pouvoir pour commander au festival qu’il a créé.
Les partenaires majoritaires ont décidé de mettre Outaouais Rock en faillite. Refusant de voir le rêve et le travail d’une vie s’écrouler, Alex est revenu dès l’été 2019 avec un nouveau festival, de plus petite ampleur : le Montebello Rock. L’occasion pour l’entrepreneur de revenir aux sources de ses motivations et d’apprendre de ses erreurs pour mieux se positionner face à la croissance de son nouveau projet.
Peut-on vraiment parler d’échec ?
Ces entrepreneurs nous démontrent chacun dans leurs parcours singuliers que l’échec en affaires ne représente pas nécessairement la fin de l’aventure entrepreneuriale. La vie d’une entreprise n’est pas linéaire. Elle suit des phases qui requièrent des objectifs et des stratégies adaptées. Pour cela, l’entrepreneur doit connaitre et maitriser des outils lui permettant d’être agile et résilient face aux difficultés rencontrées de tout ordre.
Comme l’a dit Isabelle Lacroix, propriétaire de multiples restaurants : « Pense grand, pense plus loin, tu verras que c’est au coin de la rue… Le succès est pour tous, fais-en sorte de le saisir. Ton instinct est ton meilleur allié, ne le déçoit pas. »
L’échec pour un entrepreneur, c’est apprendre, se réaligner. En un mot : grandir.
À propos de l’École des entrepreneurs du Québec – Campus Outaouais
L’École des entrepreneurs du Québec – Campus Outaouais a pour mission de développer les compétences entrepreneuriales des entrepreneurs de la région en leur faisant vivre, dans un milieu entrepreneurial, une expérience client accessible, flexible et associative.
Le campus de l’Outaouais propose des sessions d’informations, des webinaires, des formations ponctuelles et des parcours axés sur la gestion et la croissance des entreprises. Cliquez ici pour obtenir de plus amples renseignements.Plus d’informations :
À propos des Soirée Ratée
Les Soirées Ratées mettent en lumière les échecs d’entrepreneurs aguerris en affaires. Les invités nous partagent leurs histoires d’entreprises qui ont mal tournées. L’idée derrière ce concept est de démystifier l’échec, qui est à la base même du métier d’entrepreneur.